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Rencontre(s) avec Joni Mitchell > Historique > Peintures

Je fis probablement quelques commentaires dans ce sens, sans trop m’aventurer pour éviter le ridicule. Réalisant alors le malentendu, Joni Mitchell me prit heureusement en pitié, et m’expliqua les choses plus lentement ; je finis donc par saisir que les fichues bouteilles n'étaient que des instruments qu'elle utilisait en les roulant sur la toile, pour obtenir certains effets de matière dont j’identifiais du coup l’empreinte sur certaines des œuvres qu’elle brandissait sous mes yeux.
En découvrant mes nouvelles illustrations et certaines gravures, Joni Mitchell s'était écriée, dans un éclat de rire bienveillant : "Hey, Jacques, some of these are real Kamasutra!" -ou quelque chose d'approchant ("Hé Jacques, certaines de ces peintures, c'est du Kamasutra!"). En reconsidérant ces travaux aujourd'hui, je me demande si je trouverais encore le courage de lui montrer certains d'entre eux à nouveau. Mais ce qui est fait est fait ; et puis c'était une période de ma vie de jeune homme, et tous les jeunes hommes en général, quelle que soit leur orientation sexuelle, ont le sang bouillant -et je ne faisais pas exception à la règle. Donc ma peinture d’alors montrait d’une façon bouillante ce qui me faisait bouillir. Enfin, relativement à la problématique de la représentation sexuelle (voir page Hominus Corpus dans le chapitre Hors Cadre), et relativement à ces travaux d'après Joni Mitchell, j’ai le sentiment avec le recul que cette série ne fut pas illégitime vis à vis de sa source inspiratrice. Et je l'assume telle qu'elle est -ce qui ne conforte ni n'infirme sa légitimité, du reste.

Il me semble simplement que les chroniques de l’amour, du désir et du besoin de l’autre dont Joni Mitchell a si fréquemment témoigné pouvaient donner naissance à ce type d’interprétation, dans le champ des possibles créé par l’imprévisible jeu de la Grande Roulette de l'inspiration sur le tapis vert des fantasmes humains. Il y avait dans le domaine de la probabilité une logique à ce que la nature des thèmes abordés puisse se traduire de la façon qui a été la mienne. Aussi, aujourd’hui comme à l’époque, il m'apparaît toujours impensable et exclu que ce corpus d’œuvres compose avec des considérations qui lui seraient extérieures, d'ordre morale, esthétique ou autres. En effet, les recherches consacrées à Joni Mitchell et son héritage musical et littéraire représentent pour moi la pierre fondatrice de tout ce que j’ai pu faire et de tout ce que je suis devenu, et ce aussi bien sur un plan personnel qu’artistique. À ce titre, elles doivent pouvoir être vues, sans compromissions ni censure, par quiconque s’intéresse à mon travail. Et je conserve une tendresse infinie pour cet ensemble d’œuvres de ma jeunesse.
Parmi elles d’ailleurs, il y en a quelques-unes que je trouve toujours intéressantes. Mais en raison de la littéralité sexuelle qui en caractérise certaines, j’ai préféré laissé de côté That Song About The Midway (Clouds, 1969), Love or Money (Misles of Aisles, 1974), Don Juan's Reckless Daughter (dans la version que j'en fis en 1986), et Dreamland (deux compositions issues de Don Juan's Reckless Daughter, paru en 1977).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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