Corneille pour cet emprunt respectueux), semblent être les sentiments majeurs que l’époque inspire à la Dame du Saskatchewan. Et il y a de quoi. Terrorisme répandu par une religion instrumentalisée ("Guerre Sainte, Genocide, Suicide, Haine et Cruauté…Qu'est-ce que tout ceci peut bien avoir de saint ? Si j'avais encore un cœur, j’en pleurerais" - If I Had A Heart, dans Shine en 2007), bombes, guerres aussi cruelles qu'injustes, pollution, extinction des espèces animales, profanation du vivant et indifférence à la souffrance animale, règne de l'argent-dieu et idôlatrie du profit, surpopulation, empoisonnement de la planète, folie meurtrière des hommes, Humanité programmée pour l'autodestruction… A ce sujet, je me suis d’ailleurs souvent demandé si Joni Mitchell ne faisait pas allusion, avec les lignes "We've set our lovely sky on fire" ("Nous mettons le feu à notre merveilleux ciel" / If I Had A Heart - Shine 2007) à la folie des hommes en Alaska, dans la région de Gakona, proche de ce Canada si cher à son cœur… Shine, au delà des exemples ponctuels qu'il pointe du doigt, ne fait aucun cadeau à la démence humaine à travers la majorité de ses compositions. Alors, amer et sans espoir, l'album Shine ? Ce serait bien mal connaître l'auteure, qui, bien que totalement pessimiste sur l'avenir de nos sociétés et celui que celles-ci réservent à la planète de par leur égoïsme, leur avidité et leur aveuglement, entend tout de même faire luire une petite lumière dans cet océan de sombre lucidité (comme avec If, dernière piste de l'album).
En parallèle à l’élaboration et la sortie de Shine, Joni Mitchell entame une collaboration fructueuse et inspirée avec le chorégraphe canadien Jean Grand-Maître, directeur de l’Alberta Ballet Company. Grand-Maître avait pu voir l’exposition internationale Green Flag Songs,
une série d’œuvres visuelles signées par Joni Mitchell (dont le fil d’ariane thématique était la guerre), l'exposition se tenant succesivement à la Lev Moross Gallery de Los Angeles, Galway en Ireland, Violet Ray à New-York, CTV Building, Luminato Festival à Toronto). Il lui propose aussitôt une collaboration musicale et dansée sur le même thème. De cette association artistique va naître le ballet The Fiddle and the Drum, dont la première a lieu le 22 octobre 2007 au Jubilee Auditorium de Calgary. Le ballet met en scène quatorze compositions extraites du répertoire de la musicienne. Enregistré et diffusé en dvd par la suite, le ballet va connaître de multiples représentations postérieures ailleurs au Canada, dont une reconduction en 2010.
Passionnée par son expérience avec Jean Grand-Maître, Joni Michell se replonge dans l’ensemble de son catalogue sur la proposition du chorégraphe, dans une recherche cette fois articulée sur le thème de l’amour. La musicienne revisite ainsi la totalité de son catalogue en créant un lien scénaristique entre des compositions issues de différents albums à différentes époques, et que donc rien auparavant ne reliait, éclairant ainsi sous un jour totalement nouveau d’anciennes œuvres et de plus récentes, dans une alchimie créative et novatrice. Malheureusement, à la suite de difficultés éditoriales qui retarde le lancement du projet celui-ci sera reporté puis annulé. Le fruit de cette exploration thématique et des recherches qu'elle génère devient Love Has Many Faces: A Quartet, A Ballet, Waiting To Be Danced, qui réunit les titres sélectionnés par l’artiste sous le thème de l’amour, explicitant ainsi le titre de cette compilation originale et inédite qui reflète totalement son état d’esprit par rapport à ses propres créations musicales.