Down To You (Court & Spark, 1974) lorsqu'elle écrivait : "Etranger éternel, Tu es une brute, Tu es un ange, Tu rampes, Mais tu sais voler aussi, Cela dépend de toi, Cela ne dépend que de toi". Indubitablement, ces ailes noires battent pour le compte du Désir comme pour celui de la Mort, confirmant que toute notre vie ("Entre les forceps et la pierre tombale", Hejira, 1977), nous ne sommes que l'enjeu des guerres entre Eros et Thanatos, avec le désespoir de connaître, dès le début du jeu, l'identité du vainqueur.
C'est au cours des deux décennies suivantes, les années 90, puis en 2000 avec la sortie de Both Sides Now, puis de Travelogue, et enfin en 2007 avec la parution de son dernier album de compositions originales à ce jour (Shine), que Joni Mitchell va boucler la boucle de son travail de composition et d’enregistrement studio. Ces deux décennies lui feront regagner les faveurs du public et le respect de la critique (de cette dernière l'artiste se souciant évidemment comme d'une guigne, est-il besoin de le préciser…), retrouvant ses origines de "conteuse de l'âme" tout en se livrant parallèlement à des constats sociaux toujours plus acérés et sans concessions, le tout en persévérant dans l'invention et l'excellence sur un plan strictement musical.
La décennie 1990 va s'ouvrir avec l'un de ses plus beaux et merveilleux album, Night Ride Home. C'est l'album de la maturité épanouie, l'apogée d'une collaboration féconde avec son époux le musicien Larry Klein -collaboration qui sera préservée malgré leur séparation postérieureà Night Ride Home, lors des albums suivants.
Joni Mitchell n'a jamais été aussi belle, sa musique aussi pleine et assumée.
Ses mots y sont justes, sobres et émouvants. "I am not old, I'm told, but I am not young, and nothing can be done" ("Je ne suis pas vieille, m'assure-t-on, mais je ne suis plus jeune non plus, et à ça personne ne peut rien", Nothing Can Be Done, dans Night Ride Home, 1991) nous dit celle qui, deux décennies plus tôt, se préoccupait déjà de "vieillir avec grâce et avec dignité".
Parvenue à ce carrefour, c’est une fois de plus avec un talent à nul autre pareil que Joni Mitchell nous livre ses réflexions sur la vie, dans une suite de dix morceaux, dont certains absolument magnifiques. Je relèverai dans cette liste plus particulièrement une composition qui pourrait bien constituer la synthèse de tout ce qu'a pu écrire Joni Mitchell, tant au niveau du manifeste -fondamental- que de la musique -magistrale : Come In From The Cold nous dit tout des motivations, des fêlures, des enthousiasmes et des doutes aussi bien de l'artiste que de la femme, et établit une fois pour toutes qui elle est et pourquoi elle l'est, anéantissant à jamais tous les clichés accumulés sur elle -les positifs comme les malveillants-, et révélant au final un être humain simplement formidable et poignant, et une artiste aussi inclassable et immense que fragile.
Night Ride Home sera suivi de Turbulent Indigo (1994), plus cérébral et désenchanté mais tout aussi intéressant et brillant (et salué par la profession qui le couronne de deux Grammy Awards), avec des pistes comme Sex Kills, The Magdelene Laudries et The Sire of Sorrow/Job's Sad Song, trois exemples rejoignant les hauteurs de son travail le plus accompli ; puis par Taming the Tiger (1998), où Mitchell semble vouloir tirer sa révérence en douceur, mais par la grande porte et par le biais de morceaux plus discrets et