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"Seulement de la fin du XXème siècle?" > Historique > Peintures

Pourtant, me semble-t-il, lorsqu’on connaît ne serait-ce qu’un tout petit peu la personnalité et l’œuvre de Joni Mitchell, ses prises de position et ses combats, on ne peut être que sidéré devant autant de mauvaise foi et de désinformation d’une part, mais aussi, concernant les accusations dont elle fut l’objet, devant autant de poncifs, clichés et tartes à la crème brandis par certains ayatollahs professionnels de la "pensée conforme", à qui la société américaine offre complaisamment depuis une vingtaine d'années ses tribunes. Une société devenue tellement communautarisée, tellement morcelée en tribus hostiles et étrangères les unes aux autres, tellement paranoïaque et tellement régie par l’intolérance et aveuglée par le politiquement correct qu’elle voit le diable partout, notamment là où il n’est pas. Car dans dans cette "affaire" de "Art Nouveau", il n’y eut jamais autre chose qu’une femme clamant sa fascination pour la musique dite "noire", son amour des hommes en général et donc amoureuse à certains moments de sa vie d’hommes noirs (preuve de racisme éhonté, ô combien!), collaborant avec des musiciens noirs parce que se trouvant musicalement, créativement et spirituellement en phase avec eux. Et entendant célébrer sa passion, ses emballements, ses coups de cœur pour la Culture afro-américaine dans une liberté inconditionnelle et au grand jour –y compris dans les éclats de rire assumés d’une soirée déguisée de l'été 1976!... Avec le recul, on ne peut que constater l’indigence d'une analyse pseudo-sociologique dont les auteurs crurent se distinguer en dénonçant un racisme imaginaire chez Joni Mitchell, là où il n’y avait qu'une femme libre célébrant ses amours et assumant ses convictions, et une artiste universaliste qui refusait (et refuse toujours) toute catégorisation, qu’elle concerne le genre, le sexe, la couleur de peau où la discipline artistique.

"Art Nouveau"
"Don Juan’s
Reckless Daughter"
- Pochette album (detail) /
Source: Wikimedia

Quoi qu'il en soit, peu ébranlée par cette avalanche d’incriminations infondées et d’aberrants procès en racisme, la musicienne reprendra son personnage de "Art Nouveau" des années plus tard sous les traits de son jumeau en apparaissant maquillée à l'identique dans son passage vers une autre couleur de peau que la sienne, mais cette fois dans un registre beaucoup plus tragique, en susbsituant aux atours disco du "pimp" californien un treillis de soldat rescapé de la guerre dans la vidéo de The Beat of Black Wings. Elle y évoque "Killer Kyle", vétéran du Vietnam détruit par la guerre et rencontré lors d'un concert donné à Fort Bragg en Caroline du Nord dans les années 1960. Un épisode qui lui inspirera deux décennies plus tard ce morceau, aussi magnifique que grinçant et désespéré, paru sur l'album Chalk Mark in a Rainstorm en 1988.

Ayant donc fait le tour de la scène Rock avec la parution de Court and Spark, Joni Mitchell bifurque vers les chemins du Jazz, et négocie un virage affirmé vers une poésie narrative, teintée de critique sociale -et non plus estampillée "confessionnelle"-, ce que ne lui pardonnera pas une partie de son public, et encore moins la critique. La presse musicale américaine qui compte (parce que prescriptrice des radios qui elles-mêmes à l'époque conditionnaient les hit-parades en alimentant leurs ondes, donc influencaient les ventes et par conséquent, au bout du compte, faisaient et défaisaient les carrières), rassurée au début par la "Gentille Grande Sœur des Peines de Cœur" mais ensuite bousculée par la rockeuse et la croqueuse d'hommes, va définitivement être désarçonnée avec la sortie en 1975 de The Hissing of Summer Lawns, album magique au titre aussi énigmatique que poétique, et au contenu qui l'est encore davantage (en tout cas au prime abord).

Le vétéran
Killer Kyle de 1988,
successeur de
"Art Nouveau"
dans la saga
des déguisements
Mitchelliens…
Source: Youtube
(vidéo de "The Beat
of Black Wings")
The Hissing of Summer Lawns
(1974)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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