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"Seulement de la fin du XXème siècle?" > Historique > Peintures

Au niveau de la forme pure (et sans même s'attarder ici sur la profondeur, la sophistication et l'intelligence du propos que, dans leur majorité, ils véhiculent tous), les textes de Joni Mitchell et leur découverte procurent un plaisir absolu, et suscitent un émerveillement jamais démenti. La langue y est magnifique, et ce n'est pas par hasard si certains de ses poèmes furent inscrits au programme d'études de collèges nord-américains dès la fin des années 70… Époque bien lointaine de la nôtre, qui elle accouche depuis vingt ans d’idoles de télé-réalité siliconées et jetables pour "followers" décérébrés, "zombies dans les shopping malls agrippés à leurs téléphones portables qui jacassent sans avoir rien à dire" (Bad Dreams / Shine, 2007), écoutant une musique semblable à "de la malbouffe pour ados" (Taming the Tiger, Taming the Tiger 1992).

Je ne tenterai pas de faire une liste des textes les plus représentatifs de cette excellence, chaque album de Joni Mitchell (du premier Song for a Seagull en 1968, au dernier sorti Shine de 2007), présentant chacun son lot de pépites. Bien sûr, la prose aussi poétique qu'unique de Hejira (1977), tissée tout au long des neuf sublimes morceaux constituant l'album, peut prétendre symboliser au mieux cette excellence. Mais des textes aussi éloignés les uns des autres (tant chronologiquement que thématiquement) que Come in From the Cold, The Beat of Black Wings, The Sire of Sorrow (Job's Sad Song), Don Juan's Reckless Daughter, The Jungle Line, People's Parties, Dog Eat Dog, Shine, Judgment from the Moon & Stars, Passion Play (When All The Slaves Are Free), Goodbye Pork Pie Hat, Otis & Marlena, The Boho Dance ou Chinese Cafe, n'ont rien à envier, question profondeur et maîtrise de la langue, aux sommets que constituent les compositions de Hejira.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ladies of the Canyon (1970)

Au regard du temps qui a passé, l'œuvre de Joni Mitchell demeure ainsi tout aussi unique, indémodable et forte sur un plan littéraire. Quant à son aspect musical, dont la singularité, l'invention et la beauté ne sont plus à démontrer, il confère à son auteur au moins deux autres dimensions supplémentaires.

En premier lieu, celle d'une "outsider", avec un jeu de guitare caractérisé par la technique de "l'Open Tuning" (ou "Accord Ouvert"), technique non orthodoxe qui donna dès l'origine à son phrasé musical et aux sonorités qu'elle tirait de son instrument une couleur tout à fait originale –un langage qui lui est propre, un "son Joni Mitchell" qui s'est ainsi imposé, incisif et ample à la fois, mélodieux et tranchant, aussi éminemment séduisant que parfois déconcertant. Silky Veils of Ardour dans Don Juan's Reckless Daughter (1977) en est un parfait exemple (même si, bien sûr, pléthore d'autres morceaux de la musicienne entrent dans cette catégorie, je pense notamment à The Wolf That Lives In Lindsey (Mingus, 1989), ou If en 2007 (piste qui clôture l'album Shine).

C'est du reste ce fameux "Open Tuning" qui vaudra à Joni Mitchell sa mésaventure avec Furry Lewis, le vieux Bluesman de Memphis alors âgé de quatre-vingt dix ans : lorsque Mitchell qui désirait faire sa connaissance le rencontre enfin, c'est pour qu'il la jette plus ou moins dehors parce qu'elle a osé évoquer leur point commun, à savoir cette fameuse technique du "Open Tuning"…
Caractéristique qu'il ne plut pas au vieux Bluesman de s'entendre rappeler, faut-il croire, puisque l'entrevue s'arrêta là, avec l'abrupt et iconique "I don't like you" maugréé à l'encontre de la musicienne (Furry Sings The Blues dans Hejira, 1976).

 

 

 

 

Blue
(1969)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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