C'est dans ce contexte d’enfance que j'ai découvert Brasília. Et que je me suis familiarisé avec le nom de ses créateurs, parmi lesquels figurait celui de l'architecte des bâtiments officiels de la ville, un nom contenant déjà sa propre part d’exotisme, de merveilleux, plus qu'un nom, un poème à lui seul, des sonorités de bout du monde pour un fils de la France de cette fin des années 60 : Oscar, donc. Niemeyer. Oscar Niemeyer. Brésil. Brasília. Je comprenais vaguement que, derrière ce que montrait cette photographie, il y avait un architecte, et que s’il y en avait un, c’était donc là son nom. Un architecte ; une profession auréolée de mystère, à peu près aussi attirante, mythique et dotée de pouvoirs surnaturels que celle des astronautes d'Apollo XI, mes autres héros à l’époque.
Et puis il y avait cette ville dont je découvrais brutalement l'existence, en noir et blanc, dans un magazine austère qui en d'autres circonstances me serait tombé des mains. Dans la légende, au dos de la page qui montrait la photo, figurait également le patronyme du président qui avait décidé la construction de Brasília, aussi étrange que celui de l'architecte -Juscelino Kubitschek, qu'est-ce que ça pouvait donc bien être, un mélange d'espagnol et de tchèque, mais alors pourquoi cet homme était-il président du Brésil, m'interrogeais-je-, et puis celui de l'urbaniste de la nouvelle cité, Lúcio Costa -un urbaniste ? Sur le moment, ne saisissant pas le rôle de l'auteur du Plan Pilote de Brasília (et Dieu sait si son intervention fut capitale dans l'édification de Brasília, comme je finis par le comprendre dès que l'enfance m'abandonna), je m'en désintéressais, me concentrant sur Niemeyer et Kubitschek. Et à ma décharge, enfin, c'est vrai que le Plan Pilote n'apparaissait pas sur cette photo de magazine, donc il m'était impossible d'en saisir l’importance.
On n'y voyait que les bâtiments d'Oscar Niemeyer, point final, et c'est comme ça, je suppose, que je suis tombé amoureux fou de Brasília. Plus tard, atteignant l'âge d'homme, exprimer cette passion à travers ma peinture devint naturellement une évidence.