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Brasilia > Peintures

Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à Oscar Niemeyer et son œuvre, j'étais encore pratiquement un enfant -en ce temps-là, à douze ans on l'était encore. Les villes, l'espace, l'architecture, la modernité me fascinaient. Et il arriva qu'un jour par hasard, je tombai sur une photo qui représentait Brasília, dans un magazine que mes parents recevaient alors. C'était, je crois, la dernière de couverture, et on y voyait deux photos superposées. L'une montrait la ligne d'horizon de Manhattan, probablement vue depuis les rives de l'East River. Au premier plan, un terrain vague ; il avait dû pleuvoir et de gigantesques flaques émaillaient le sol défoncé. Un gamin avait pris son élan pour franchir ces flaques, et le photographe avait figé cet envol éphémère au dessus d'un des trous d'eau. La silhouette de l'enfant, désarticulée par l'effort et la tension -sorte de Billy Elliot avant la lettre-, se reflétait dans le miroir liquide. C'était vraiment très beau graphiquement, et plein de vie. Il y avait ces gratte-ciel de New York, dentelle noire acérée et irrégulière, en contre-jour du crépuscule, et cet enfant qui jaillissait, immortalisé pour l'éternité au-dessus de sa flaque d'eau. Sous cette photo de ville palpitante de vie, il y avait une photo de Brasília, monochrome, elle aussi. Elle représentait une vue de la Place des Trois Pouvoirs, avec les "Guerriers" de Bruno Giorgi, un petit bout du Planalto, et bien sûr les Tours Jumelles et les dômes blancs du Congrès.

C'était splendide. C'était hiératiquement vide, et pourtant comme animé d'une vie secrète, une pulsation indéfinissable, témoin de l'esprit de l'auteur des lieux. Ça ne ressemblait à rien de ce que j'avais pu voir ailleurs et auparavant. J'étais comme hypnotisé par cet étrange urbanisme, nouveau-né à nul autre pareil sur Terre, échappant à toute classification, refusant toute étiquette. Un endroit à mi-chemin entre la sculpture et l'habitat, entre la monumentalité des constructions et le message simple de fraternité, de justice et d'égalité inscrit en filigrane dans ses volumes par ses géniteurs. Cette architecture, inclassable, se voulait définitivement le reflet projeté d'un monde meilleur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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