Il l'avait fait en souriant : ma passion pour le chanteur l’amusait beaucoup. Dans la mesure où il le côtoyait régulièrement, son rapport avec lui se trouvait forcément banalisé par les relations amicales et professionnelles soutenues que tous deux entretenaient, dans le cadre de la carrière du musicien. Ce qui n’était bien sûr pas mon cas. Robert savait donc qu’il suffisait qu’il me dise au téléphone "Tiens, j’ai vu Elton hier et je lui ai parlé de toi et il te dis bonjour", ou bien "Elton est en Australie en ce moment, et quand il revient il doit rentrer en studio pour son prochain album", pour que je démarre au quart de tour et que je le bombarde de questions enflammées.
Interrogé, Elton John lui avait donné son accord, fait extraordinaire quand on mesure rétrospectivement les obligations et les activités délirantes aux quatre coins de la planète d’un artiste qui, en 1977, avait déjà largement surpassé en notoriété et en nombre de disques vendus le palmarès des Beatles… Je vins donc à Londres et rejoignais Elton John dans les bureaux de Rocket Records (qui à l’époque avait déménagé, émigrant de North Audley Street à des locaux beaucoup plus spacieux, en aval de la même rue qui changeait de nom en devenant South Audley Street). Je passais toute une matinée à photographier Elton John sous tous les angles, et je n’ai jamais cessé de mesurer depuis la valeur du cadeau qu'Elton John me fit ce jour-là. Mais aussi les trésors de patience qu’en cette occasion, il me témoigna.
Lorsque mes photos furent présentées à l’école, ma déception fut grande néanmoins : personne ne reconnut Elton John. Lorsque j'affirmais que c’était bien lui, personne ne voulut croire qu’il s’agissait de la superstar britannique, ni les élèves, ni les professeurs. En effet, l’homme ne portait pas de lunettes sur les photos… De fait, à partir du milieu des années 70, Elton John s’était essayé aux lentilles de contact, ceci expliquant cela. Et par malchance, ma session photo s’était déroulée pile un jour où il en portait...