Le jeune garçon que j’étais à l’époque ne pouvait que souscrire à ce bouillonnement émancipateur, qui lui permettait de découvrir à travers l’exemple d’artistes tels qu’Elton John, que ce qu’il avait compris qu’il était échappait à la malédiction du cas unique, infâmant et isolé. Et que cette particularité n’était pas obligatoirement synonyme de malheur, de tristesse et de honte, mais pouvait briller de mille feux, comme le démontrait Elton John à longueur de vinyls. Et d’autre part, j’étais bien sûr idéaliste et radical comme n’importe quel autre ado de mon âge en recherche de ruptures systématiques avec les règles et tabous des générations précédentes. Ainsi, ma propre singularité, alimentée par cette rébellion propre à la jeunesse et dopée par la courageuse revendication publique* exprimée par Elton John à propos de sa différence en 1976, ne pouvait qu’aboutir à ce que je nourisse une passion inconditionnelle pour le chanteur et sa musique.
De tout ceci résulte que j’ai peint beaucoup de choses inspirées par Elton John, entre 1972 et 1976, à chaque moment où je pouvais le faire, en gros dès que je ne dormais pas ou que ma scolarité et les devoirs du soir m’en laissaient l’occasion. C’est dire. Et ce travail m’ouvrit les portes d’une chance extraordinaire : celle de pouvoir rencontrer Elton John en décembre 1973, en personne, après qu’un ensemble de mes gouaches lui ait été présenté. Voici comme la chose se produisit.