En peignant Free Money (une des compositions de Horses que je préfère), j’ai souhaité explorer et célébrer les convergences entre deux icônes que tout oppose en apparence : la Audrey Hepburn de Diamants sur Canapé, et la Patti Smith contemporaine de Horses.
L’héroïne de fiction à laquelle la comédienne Audrey Hepburn a donné vie associe définitivement la grâce et l’élégance naturelle de l’actrice à la frivolité et au charme du personnage mis en scène dans le chef-d’œuvre de Blake Edwards, devenu un mythe éternel du cinéma. La seconde, elle bien réelle, a radicalement chamboulé l'univers du Rock en marquant durablement l’histoire du mouvement musical. À première vue, rien ne semble réunir l’héroïne de celluloïd et l’égérie punk ; mais de nombreux points communs existent de fait entre les deux personnages, entre autres l’exigence d’une vie meilleure. Chacun à sa façon symbolise une époque, l’une caractérisée par l’insouciance, l’optimisme et le glamour, l'autre qui la suivit par la contestation, la lutte et la violence.

La jeune Patti Smith du milieu des Années 1960, chat sauvage protopunk aux allures androgynes de gavroche new yorkais, décide de prendre d’assaut la Grosse Pomme depuis le New Jersey où sa famille réside. Smith débarque à New York en 1967 avec la volonté farouche de mettre un maximum de distances entre l’avenir morose d’ouvrière en usine auquel sa vie de banlieue la prédestine...

...et la vraie vie dont elle rêve, celle consacrée à la poésie et l’art. Années de galère totale, qui font d’elle une SDF avant la lettre écumant les bars et crevant de faim les trois quarts du temps, prête à tout pour réaliser son rêve et se frayer un chemin vers le succès en affichant une rage assumée pour gagner assez d’argent pour vivre. Cette volonté farouche ne l’empêche pas d’avoir le sens de l’humour dans ce contexte d’extrême pauvreté, lorsqu’elle raconte à propos de ses années de vaches maigres: Un jour où je me trouvais avec William Burroughs, je lui ai demandé : "À quoi devrais-je aspirer ?". Il a réfléchi, et a dit : "Ma chère, une American Express Gold devrait faire l’affaire" (Brain Pickings - Patti Smith’s advice on life par Maria Popova).
Holly Golightly, l’héroïne de Diamants sur Canapé à qui Audrey Hepburn prête ses talents et sa divine silhouette, est quant à elle une jeune femme aussi délurée que sophistiquée du début des années 60, mais totalement désargentée. Avec en tête la richesse et la réussite sociale comme seul objectif, Holly vit une vie de bohème déracinée en attendant des jours meilleurs, à l'identique du chat de gouttière SDF qu’elle a recueilli, et auquel elle s’identifie après avoir débarqué à New York depuis son Texas natal afin de mettre un maximum de distance entre elle et son enfance ternie par la misère, un mariage prématuré et le futur médiocre et monotone auquel la promettait son adolescence provinciale.