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Hominum Corpus.
La représentation de la nudité masculine dans l’art.
Questionnements et constats.

Avant d’y souscrire, je me suis interrogé sur l’inclusion dans ce chapitre d’œuvres représentant la nudité humaine, et particulièrement celle de l’homme et de son sexe. Sur ce sujet précis, existe bien sûr dans mon travail le précédent de nombre de travaux inspirés par la musique et les écrits de Joni Mitchell, datant des années 1970-1980, et dont certains mettent en scène des hommes dévêtus. Mais je n’ai jamais eu de doutes ou d’hésitations à propos de cette série, car cette représentation du sexe masculin y est légitime, par rapport à sa source inspiratrice : les chroniques de l’amour, du besoin de l’autre, de nos guerres intimes et de leurs lots de victoires et d’échecs que le désir (et parfois son pendant, la passion) suscitent, rapportées par Joni Mitchell avec le génie que l’on sait, pouvaient donner naissance à ce type d’interprétation, sans pour autant aboutir à un contre-sens. Elles le pouvaient, elles ne s’en privèrent donc pas dans le cadre de mon travail.
En deuxième lieu, il a toujours été hors de question que ce corpus d’œuvres compose avec des considérations qui lui étaient extérieures. En effet, les recherches consacrées à Joni Mitchell et son héritage musical et littéraire représentent à mes yeux la pierre fondatrice de tout ce que j’ai pu faire et de tout ce que je suis devenu, aussi bien sur un plan personnel qu’artistique. À ce titre elles doivent pouvoir être vues, sans compromissions ni amputations, par quiconque s’intéresse à mon travail. Quant à ceux que ce dernier laisse indifférent, ils passeront leur chemin, n’étant par définition pas concernés par la question.

Cependant, relativement à mes travaux des années 1990 qui célèbrent la plastique masculine, ou à d'autres œuvres antérieures ou plus récentes figurant dans "Hors Cadre" et soumises à la même problématique, je me suis beaucoup interrogé : fallait-il les montrer, ou les cacher? Les cacher aurait équivalu à une auto-censure douloureuse qu'aucun auteur ne s'impose dans l'allégresse. Accessoirement, à une lâcheté qui nie la nécessité d’affronter qui l’on est et comment on voit les choses (une des vocations basiques de l’artiste et de son art, tout de même). Une démission aussi, face à la pression sociétale majoritaire. Et enfin, un aveu de la peur suscitée par le regard et le jugement d’autrui. Mais pour un artiste, montrer des hommes nus dans son art n'est pas anodin, et amène inévitablement au risque de catégorisation, et donc de "placardisation" de l'ensemble de sa production artistique. À quiconque émettrait un doute sur ce que j'avance, je conseille vivement de tenter l’expérience en montrant un travail de cette nature aux "décideurs", "critiques" et autres "acteurs" du marché de l’art, contemporain ou pas. Les commentaires obtenus ébranleront vite les certitudes d'aucuns sur l’innocuité qu’il y a à montrer des hommes nus et des sexes masculins dans une œuvre. Et à ce stade du propos, il me paraît utile de préciser que le contexte qui contraint un artiste à cette forme d'auto-censure n’est ni imaginaire, ni le fruit d’une paranoia galopante. Car force est de constater que la représentation de l'anatomie mâle n’a jamais cessé d’être perçue comme intrusive et dérangeante par beaucoup, à plus forte raison lorsque son auteur est un homme. Et ce pour un motif simple, évident et limpide : la représentation par un homme de l’anatomie masculine, voire de son érotisation, est immédiatement associée à l’homosexualité masculine. Ce réflexe peut paraître logique, à défaut d'être systématiquement fondé, suivant la complexité des individus et des situations qu'ils rencontrent. Mais surtout, a-t-on envie d’ajouter, en quoi cela devrait-il être un problème? Mais la réalité est que ça l'est : objectivement, cette représentation suscite le rejet viscéral d’une écrasante majorité d'hommes (et aussi de certaines femmes, mais dans une moindre proportion), et le fait que cette majorité exprime son désaveu et son malaise de façon inconsciente, pas forcément formulée et non frontale ne change rien à l'affaire.

J’en veux pour preuve que lorsque la représentation masculine est dédouanée du soupçon de complaisance ou d’intérêt vis à vis du fait homosexuel parce qu'émanant d’une artiste, l’œuvre est aussitôt analysée seulement pour ce qu’elle est (ou paraît être), et d'abord en tant qu'objet artistique. Le spectateur averti ou le simple amateur émet alors une appréciation positive, négative ou neutre, peu importe -là n'est pas le sujet. Dans ce cas précis, c'est seulement en seconde phase de l'analyse que la représentation est identifiée à l'évocation d’une sexualité plus ou moins admise, plus ou moins vénéneuse, plus ou moins dérangeante, et donc génère à ce moment donné une condamnation ou un rejet plus ou moins affirmés. Ceci est un fait ; pas un fantasme ; et je vais le documenter. Considérons par exemple le travail de la grande artiste sud-africaine Marlène Dumas : l’œuvre est suffisamment sulfureuse dans sa représentation du sexe masculin (et pas que, l'artiste s’intéressant à tous les corps et à toutes les sexualités de façon franche et sans filtre), pour que l’on ait pu prédire à son auteure des difficultés avec l'Institution culturelle et l’univers muséal -qui ont le pouvoir de la promouvoir-, ou avec les galeries et les marchands ayant vocation de la commercialiser. Mais concernant le travail de Marlène Dumas, c’est l’inverse qui s'est produit. Bien sûr, il faut noter que la technique et le style de l’artiste ont certainement participé au désamorçage de la crudité et de la frontalité inhérentes à certaines de ses œuvres, adoucissant leur propos et "poétisant" leur contenu provocateur (voire obscène, pour certains), en le rendant acceptable pour le plus grand nombre -on pense ici à la série Fingers (01, 02) ou à des variantes de nus masculins (01, 02, 03, 04 et 05)

Si la question du rejet de la représentation du sexe masculin semble se poser dès lors que l’auteur est un homme, l’art de Marlène Dumas semble indiquer que cette question s’évacue lorsque cette représentation s'effectue sous l'auspice artistique d'un œil féminin. En effet, aussi incongru et répulsif le sujet représenté demeure-t-il aux yeux de certains hommes, sa représentation est dans ce cas perçue au travers d'un filtre qui le rend sinon attractif, du moins lisible, décodable, et donc tolérable : celui du regard posé par une femme sur le sexe d'un homme. Remettant ainsi les choses en perspective et à leur place, soit dans la norme acceptable d’une hétérosexualité identifiée comme telle, donc rassurante. Ce filtre conditionne la perception de l‘œuvre, en devient le préambule, et ainsi la verrouille, car il postule que c’est uniquement parce qu’il s’agit de la vision artistique d'une femme que le spectateur masculin de l’œuvre accepte de s’y intéresser. Et en aucun cas en raison du sujet de l'œuvre. Ce qui, au passage, présente l'avantage d'exonérer le spectateur masculin de cette œuvre du soupçon qu’autrui pourrait nourrir à son sujet sur sa propre sexualité, à propos de son intérêt réel ou supposé pour le sexe mâle représenté -ou pire, d'une bienveillance éventuelle de sa part envers le fait homosexuel.

En résumé, la réception réservée aux œuvres de Marlème Dumas évoquées plus haut enseigne que la réaction du spectateur professionnel ou amateur à une œuvre est radicalement différente, dès lors que la représentation artistique d’un homme nu (plus ou moins érotisé) émane d’une femme, ou d’un homme. Et ce, quelle que soit la discipline que la vaste palette de l’art propose.
Au sujet de cette différence de réception et de traitement, l’exemple d'un Tom of Finland est édifiant. L’artiste finnois a consacré toute son œuvre à une glorification solaire et décomplexée du sexe masculin, tant au niveau d'une figuration physique hypertrophiée, que des situations homosexuelles envisagées, entre érotisation joyeuse et pornographie assumée. Bien entendu, on n’échappera pas ici aux éternels débats oiseux portant sur la distribution de bons points à l’art de Marlène Dumas au détriment de celui pratiqué par Tom of Finland (et vice versa -mais beaucoup plus rarement).
Avec, comme argument principal avancé justifiant la différence de traitement réservée au travail respectif des deux artistes, le fait que l’art de Tom of Finland mérite d’être jugé comme étant mineur comparativement à celui de Marlène Dumas en raison de sa mono thématique conceptuelle et de son monolithisme formel, transversaux à la totalité de son œuvre, un paramètre auquel échappe objectivement celui de l’artiste sud-africaine.
Mais l’argument ne tient pas, étant donné que nombre d’artistes se sont eux aussi adonnés dans le cadre de leur œuvre globale à des recherches résolument monothématiques, avec une production formelle objectivement linéaire et globalement non évolutive, voire répétitive et ce de manière totalement assumée, ce qui n’a jamais empêché l’Institution et/ou le marché de les inscrire au panthéon des plus grands artistes reconnus et célébrés comme tel.
Car si le critère d’évolution du travail doit constituer vraiment l’alpha et l’omega de la reconnaissance du talent d’un artiste (une hypothèse où Picasso représenterait -à tort ou à raison- le phare de l’éclectisme, de l’exploration et de l’innovation, caractéristique qui aurait assuré  à son œuvre le passeport pour la considération éternelle), certains maîtres comme Pollock, Mondrian, Yayoi Kusama, Claude Viallat et Alechinsky (liste non exhaustive) jouissent me semble-t-il d’une considération équivalente, avec une production pourtant qui ne s’est jamais ni renouvelée ni diversifiée, en tout cas pas plus et pas moins que celle de Tom of Finland, aussi bien sur le plan conceptuel que formel.
On a donc bien affaire à autre chose qu’une évaluation objective du monde artistique basé sur le critère qualitatif du renouvellement du fond et de la forme.
Et dans le cas de Marlène Dumas et de Tom of Finland, il convient de constater qu’à équivalence de sujet traité mais différence de forme, les plus scabreuses représentations sexuelles à l’actif de l’une sont, à juste titre, perçues et sanctifiées par la critique d’art, l’Institution culturelle, les galeries et les marchands comme relevant d’une incontestable démarche artistique.
En revanche, les mêmes figurations interprétées par Tom of Finland (considération portant sur la globalité de son œuvre) ou un Mapplethorpe (à certains moments donnés de sa carrière, et concernant seulement certains de ses travaux), sont assimilées à de la lubricité pure et de la perversion, une provocation gratuite et malsaine, un révélateur de l’anormalité et de l’immoralité transgressive de leurs auteurs, bref la panoplie de clichés et d'épouvantails habituels que le plus grand nombre persiste à attribuer spontanément à l’homosexualité masculine, toutes cultures et religions confondues.

C’est ainsi que ces célébrations du sexe masculin sont immédiatement rangées dans les oubliettes que la pression exercée par la majorité sociétale sur l'Institution ou le Marché leur réserve, et dont elles ne sortiront plus. Celles du silence et de l’oubli auxquels les condamnent leur filiation à un état sexuel que la société humaine dans son ensemble au mieux tolère, rarement protège mais dans la majorité des cas n’encourage jamais. Au pire, salit et diffame pour mieux garantir sa marginalisation et sa disqualification, aboutissant au stade ultime à sa prohibition pure et simple, accompagnée par les persécutions et les meurtres qui vont avec, l'Histoire avec un grand H ici faisant foi : 01 / 02 / 03 / 04 / 05 / 06 / 07 / 08 / 09 / 10 / 11 / 12.

Bien entendu, comme à toute règle existent ses exceptions, l’art de Tom of Finland bénéficie de nos jours d’une visibilité que l’ostracisme occulte ou assumé dont il fut victime pendant tant de décennies laissait peu augurer. Cet art dorénavant figure dans les collections institutionnelles de prestigieux musées nord-américains ou d’Europe du nord, et quelques galeries ayant pignon sur rue dans ces pays l'ont aussi exposé ponctuellement (et faut-il remarquer, beaucoup moins dans d'autres régions du monde). Il conviendra ainsi de saluer la galerie d’Art contemporain David Kordansky basée à Los Angeles, qui a proposé avec intelligence, courage et talent en 2021 l’exposition Tom of Finland : Pen and Ink 1965 - 1989 en ses murs. Dans le même ordre d'idées, une grande manifestation telle que celle organisée par le Musée d’Orsay en 2013 / 2014 avec l’exposition Masculin / Masculin. L’homme nu de 1800 à nos jours, a trouvé toute sa place et sa dimension au sein du paysage artistique institutionnel français, notamment en raison de son excellence. Mais elle demeure un "ovni" isolé et éphémère, et a priori n’avait pas vocation à brandir un manifeste, bien au contraire, entendant avant tout montrer et valoriser la réalité et la beauté des masculinités à travers leurs différences -ce qui était tout à son honneur. Mais ce faisant, et dans le respect du cadre ainsi établi, elle pâtissait malgré elle des limites de l’exercice ; soit l’assimilation de l'opération par d'aucuns à un simple alibi culturel pour montrer des hommes nus à ceux qui aiment ça. Bien sûr, ce constat pessimiste n'ignore pas que l’art, à travers ce que nous ont légué la peinture et la sculpture classiques, modernes et contemporaines ou la photographie, n’a eu de cesse de s’émanciper de l’hostilité affichée ou souterraine que la représentation du sexe mâle (et par extension du fait homosexuel et de ses codes esthétiques), déclenchent. Michel-Ange, le Caravage, Botticelli, Leonard de Vinci, Jean Cocteau, Jacques-Louis David, Robert Mapplethorpe, David Hockney, Francis Bacon, Pierre & Gilles, Andy Warhol, Keith Haring –pour n'en citer que quelques uns-, ont été les témoins et les acteurs de ce combat, et certaines de leurs œuvres ses jalons.

Par conséquent, tout artiste concerné par la question s’interroge à un moment donné de son parcours sur la pertinence d’apporter sa propre pierre à ce combat –n’eut-elle que la taille et l’importance d’un grain de sable-, risquant ainsi d’exposer la totalité de son travail à un étiquetage aussi restrictif que faussé d’art "homo", ou "gay", ce qui aura pour effet immédiat de le marginaliser, voire de totalement l'exclure de la visibilité ordinairement accordée à tout ce qui n'est pas estampillé puis classé dans cette catégorie. Catégorisation qui réduit et ampute -mais qui est, surtout, ô combien inepte. Car viendrait-il à quiconque sain d‘esprit de qualifier d’art "hétéro" la Olympia de Manet, sous prétexte que la peinture de cette femme splendide et lascive fut peinte par un homme hétérosexuel? Bien sûr que non, et Manet, lui, ne fut jamais rangé dans le tiroir de l'art "hétéro" par quiconque, tiroir qui fort heureusement n'a jamais existé. En revanche, on sait hélas ce qui se passe, symétriquement à l'autre bout d'un arc qui n'a ici rien d'un arc-en ciel, mais tout d'un enterrement de première classe. Car c’est un fait : pour éviter l’écueil du stigmate et du label, la seule alternative pour l’artiste masculin qui représente des hommes nus dans une dimension sexualisée, consiste pour lui à s'infliger sa propre autocensure, en conservant dans l’ombre les œuvres qui lui vaudraient une catégorisation réductrice de son art. Pèse alors dans la balance l'épineuse décision de montrer des recherches qui certainement laisseront le plus grand nombre indifférent, en séduiront peut-être quelques uns, et déplairont à tous les autres. Concernant ces derniers, la sanction du rejet tombera quel que soit le mérite artistique de l'œuvre, rendue viscéralement irregardable pour son spectateur par les tabous issus de son orientation sexuelle et ceux éventuellement hérités de son éducation. La conjugaison de l'inné aux constructions de l’acquis conditionne au final le seuil de tolérance de l’individu, véritable focale d’ouverture de son jugement, contrôlée par un diaphragme qui s’ouvre et se ferme en fonction du sujet aperçu, modelant ainsi une conception globale de l’existence balisée par les totems de la norme et les épouvantails que cette dernière dispose à l'entrée de ce qu'elle considère comme des sens interdits.

Au terme de débats intérieurs traversés par les questionnements et les constats qui précèdent, la mienne m’a finalement apporté ses propres réponses : les travaux concernés ne méritaient pas d’être écartés eut égard à de quelconques pudibondes hypocrisies, lesquelles de toutes les manières s’accommodent mal des libertés que s’autorise l’art dans son essence lorsqu’il protège et promeut ce qu’il prétend communiquer : une vision libre, qui séduit ou dérange, et qui pour certains esprits plus éclairés et curieux que d'autres, plaît justement parce qu’elle dérange.

J’ai donc inclus dans cette section un ensemble d’œuvres célébrant le corps masculin parce que je les appréciais bien sûr, selon la qualité que je leur reconnaissais -à tort ou à raison-, mais également parce que je mesurais leur place dans mon cheminement et l'évolution de mon travail. Et j'ai fait fi du reste.

Mais je dois ajouter par honnêteté intellectuelle que ce qui a motivé la décision de présenter ces œuvres a aussi été leur statut de témoins, de sentinelles d’une époque. Celle née des grands bouleversements de société qui sonnèrent le glas des "Trente Glorieuses". La parenthèse des années 1970, qui fut l’épiphanie de cette période, est clairement révolue -si l’on considère le retour du puritanisme, mouvement de fond porté par les décennies qui suivirent et qui favorisèrent son triomphe d'aujourd'hui. Cette époque libertaire privilégia la contestation des codes et des interdits liés à la nudité et à la sexualité dans toutes ses expressions. La honte du corps et du sexe, fruit de dictats et autres dogmes religieux aussi obscurantistes que totalitaires, fut prohibée, cessant temporairement d’être la règle imposée d'auparavant. L'époque qui se voulait joyeuse renvoya cette honte au rang de synonyme de faillite de la pensée. Elle ridiculisa la bigoterie et surtout elle dénonça tous les archaïsmes, commodément travestis sous les oripeaux hypocritement vertueux de la "tradition" et du "respect des bonnes mœurs et de la religion", pour ce qu'ils étaient : des carcans et des étouffoirs de l'âme humaine et de sa fécondité créatrice.

Il m'apparaît évident que mes représentations d’hommes nus et sexuels, d'hommes vêtus et sensuels sont les enfants assumés de l'état d’esprit de cette époque ; et tout en prenant acte que les temps ont changé, elles entendent ne pas tenir compte de la montée des frilosités, des diktats communautaristes et des manifestations d’intolérances qui caractérisent nos temps présents, revendiquant ainsi leur place dans cette section -puisque définitivement et résolument "Hors Cadre".

En conclusion, j'ajouterai que ces représentations parient sur l’intelligence, la réflexion et la quête d'universalisme de ceux qui les découvrent puis les regardent.
Car il me semble que la vocation de l’art est d’être lien. L'art est un pont. L'art est altérité. L’art est une main tendue vers l’autre, pas un poing fermé contre l’autre.
C’est pour cette raison que toute forme d’art étiqueté et se revendiquant comme tel, brandi comme un drapeau identitaire par une communauté s'envisageant étanche et s'excluant volontairement du monde par posture ou par idéologie, s’apparente davantage à une sclérose culturelle qu’à une forme d’art à mes yeux. Bien sûr, il ne m’échappe pas que dans ce monde tel qu’il l’est, la violence du rejet et l'hostilité témoignées par certains groupes humains envers d’autres, en raison de ce que ces derniers sont intrinsèquement non par choix politique, philosophique, culturel ou religieux mais tout simplement par nature, mène inévitablement au communautarisme. Car celui-ci devient alors pour beaucoup l’ultime rempart contre la discrimination, l’insulte, la menace ; un havre qui procure l’entre-aide nécessaire pour survivre et ne pas sombrer. Mais il faut avoir la force et la sagesse de vouloir dépasser ces clivages, parce qu’ils ne sont que les stigmates d’impasses séparatistes idéologiquement absurdes, humainement illégitimes et dépourvues de sens. L’art est fait pour s’exposer, par tous et devant tous. Et l’art oblige l’artiste à s’exposer en conséquence, contribuant ainsi à faire tomber les barrières. Pas pour consolider celles qui existent ou en dresser de nouvelles.    
Dans l’art devraient ainsi pouvoir s'épanouir tous les regards libres d’hommes et de femmes s’ouvrant simplement et sans préjugés sur la vie, en d'autres termes sur la diversité de la Beauté humaine dans toutes ses représentations.
Et aucun des regards dont la vocation est de célébrer cette Beauté ne mérite qu'on le disqualifie ; qu’on l’astreigne.

Qu’on l’éteigne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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