Je découvris alors avec horreur que la fiche reliant les écouteurs à l’ampli n’était enfoncée qu’à moitié dans ce dernier : j’avais dû gigoter dans le lit, au rythme de la musique, et le câble s’était partiellement déconnecté. Sans que je puisse m’en rendre compte, le son se répartissait aussi bien sur les baffles qu’au travers des écouteurs, et tout le monde au cœur de la nuit avait ainsi profité de Madman Across The Water dans la maison -et ailleurs…
"Madman" confisqué, je fus privé d’Elton John pendant un certain temps, et pour écouter les albums du chanteur anglais, il ne me resta plus qu’à retourner chez Johan (ceci compensant cela... Chaque inconvénient présente toujours ses avantages, et vice versa, comme la vie nous l’enseigne assez vite).
À partir de ce moment là entre mes quinze et vingt ans, Empty Sky, Elton John, Tumbleweed Connection, Madman Across The Water, Honky Château, Don’t Shoot Me I’m Only The Piano Player, Goodbye Yellow Brick Road, Caribou, puis dans la deuxième partie des Seventies, Captain Fantastic & The Brown Dirt Cow-Boy, Rock of the Westies et finalement Blue Moves, alimentèrent chacun à leur tour ma passion pour la musique d’Elton John, m’incitant à créer tout un ensemble d’œuvres inspirées par ce que je percevais de l’artiste, et que j’adorais en lui : sa voix, son jeu de piano, son talent de compositeur à nul autre pareil, son extraordinaire sensibilité et sa personnalité si attachante –pour ce que la presse anglo-saxonne que j’achetais à l’époque me permettait d'en juger.
Et, bien sûr, la créativité exponentielle d’Elton John se voyait sublimée par cette excentricité flamboyante dont seuls les Britanniques ont le secret : le "mythe Elton John" fut dès le début alimenté par les légendaires lunettes et tenues de scène du Piano Man, plus extravagantes les unes que les autres, et par un "way of life" affranchi de tous les certificats de bonnes mœurs que l'allergie des Seventies aux normes et dictats en tout genre avait allègrement dynamités.