Le premier film de Bowie, attendu sur les écrans comme le Messie, m’avait à l’époque beaucoup déçu du fait de ses longueurs insupportables, de ses incohérences, de ses poses affectées, de son indolence morbide et de son manque d’incarnation, sans oublier ses effets spéciaux bricolés pour décrire la vie de l’alien sur sa planète d’origine. La prestation de Bowie m’avait laissé de marbre, et aucune de ses apparitions suivantes à l’écran (y compris la plus plébiscitée à ce jour, celle du film Furyo), n’était parvenue à me faire changer d’avis sur ses talents d’acteur. À l’exception du film Les Prédateurs avec Catherine Deneuve et Susan Sarandon (parce que le rôle et le film en eux-mêmes -et non la prestation de Bowie-, étaient vénéneux et marquants), ou du film The Linguini Incident (1991), opus certes mineur, mais où Bowie s’était révélé assez convaincant dans un registre plutôt léger et comique -ce qui tenait du vrai rôle de composition en ce qui le concerne, Bowie étant a priori peu connu pour son amour de la gaudriole. Et surtout, à l’exception du film Le Prestige de Christopher Nolan en 2006, l’une de ses dernières apparitions au cinéma, dans une incarnation vraiment fascinante, celle de Nikola Tesla –déjà source d’inspiration pour le personnage de Thomas Jerome Newton, l’alien de L'Homme qui venait d'ailleurs… Pour toutes ces raisons et parce que le temps a passé et donc le regard qu’on pouvait avoir sur la carrière cinématographique de David Bowie a lui aussi évolué, L’Homme qui venait d’Ailleurs gagne à être revisité aujourd’hui, même si ses défauts structurels demeurent les mêmes. Ne serait-ce que parce que cette œuvre aux yeux de l’artiste chaméléon était fondamentale, et ce pour deux raisons. La première étant qu’elle scellait son nouveau pacte avec une discipline et un milieu qu’il n’avait pas abordés auparavant -le cinéma et Hollywood-, la seconde parce qu’elle sanctuarisait son image d’extra-terrestre développée avec Ziggy Stardust. Ce film fut du reste suffisamment important pour que Bowie décide d’extraire certaines de ses images à deux reprises, pour orner les couvertures de ses albums - Station to Station (1976), puis Low (1977).