Du reste, observer les nuages
demeure ma distraction favorite lorsque je voyage,
l’esprit aux aguets, tentant de déchiffrer
dans leurs formes quelque présage
d’un bonheur à venir.
Un jour, j’y vis quelque chose
de tout à fait extraordinaire.
On pouvait y distinguer une belle femme
au teint de rose, comme si
elle avait été peinte par Renoir.
Son visage ovale, sa poitrine généreuse, son ventre plat
et ses longues jambes se mélangeaient
au blanc des nuages du ciel.
Pendant un moment, je la contemplais,
empli de crainte à l’idée que soudain
elle ne s’évanouisse.
Mais les vents de cet après-midi d’été
m’étaient favorables,
et durant un long moment, elle resta là à flotter,
semblant me regarder de loin,
comme si elle m’invitait à la suivre
pour nous amuser là-haut, tous deux,
dans les nuages.
Et, peu à peu, mon amoureuse
commença à se diluer dans les airs,
les bras tendus dans un geste de désespoir,
ses seins se détachant de son corps
et s’envolant vers les hauteurs,
ses longues jambes se tordant en spirales,
comme si elle refusait de devoir me quitter.
Seuls ses yeux, effrayés et tristes,
continuaient à me fixer, grossissant au fur et à mesure,
lorsque apparut un nuage, immense et noir,
qui me l’enleva.
Je restais là un moment, inquiet, à la suivre des yeux
alors qu’elle luttait contre l’anéantissement
dont les nuages la menaçaient et les vents furieux
qui la déchiquetaient sans merci.
C’est alors que je réalisais avoir assisté,
à travers cette diabolique métamorphose,
à une métaphore de notre propre destinée.
Car, comme cette belle dame des nuages,
nous sommes condamnés à naître, grandir, nous battre,
mourir et disparaître à jamais.
Oscar Niemeyer