Orly (Sud) par Pierre-Yves Desaive
Comme pour sa série Brasilia, Jacques Benoit a choisi de rassembler ses dernières œuvres sous un titre générique qui ne renvoie pas tant à un lieu qu’à une époque. L’aéroport d’Orly sud et la capitale administrative du Brésil sont inaugurés à la même époque, et témoignent de la foi indéfectible de leurs créateurs respectifs en la modernité, envisagée comme une rupture franche avec les conceptions urbanistiques de l’ère précédente. Le choix de personnalités telles que Oscar Niemeyer et Henri Vicariot, témoigne de l’attrait de Jacques Benoit pour l’architecture moderniste.
Mais l’irruption dans la série d’un portrait de Jean Bertin, concepteur de l’Aérotrain, représenté à côté de son invention à l’arrêt devant les bâtiments d’Orly sud, révèle que l’intérêt du peintre n’est pas seulement d’ordre esthétique, mais également sociétal. L’on connaît le destin funeste de l’Aérotrain, monorail à effet de sol propulsé sur une poutrelle en béton, qui atteint la vitesse record de 422 km/h lors d’un essai en 1969 : d’abord soutenu par le gouvernement français, le projet fut par la suite et sous la pression des lobbies considéré comme un danger pour l’industrie sidérurgique et le monopole de la SNCF, et définitivement abandonné en 1977. Dans d’autres toiles apparaissent également une Caravelle et une Citroën DS, rappels de l’engouement pour l’innovation technologique qui caractérisa la France de l’époque.
Le cadre historique –les Trente Glorieuses – est donc planté. Qu’en est-il du cadre architectural ? Brasilia n’est pas Orly, et Henri Vicariot a beau être un digne représentant de l’architecture moderniste en Europe, il n’est pas comparable à Niemeyer sur le plan de l’audace et de l’inventivité. Or le choix par Jacques Benoit de ces deux architectes, proches dans leurs conceptions urbanistiques mais très différents par leur manière de les appliquer, n’est pas sans conséquences sur sa peinture.