Cela étant, je n’ai jamais considéré ces œuvres comme de mauvaises toiles ; j’ai simplement compris assez rapidement qu’elles étaient, d'une certaine façon, hors sujet. Cette perception n’a pas changé depuis. C’est la raison pour laquelle elles n’apparaissent pas dans le chapitre "Peintures" de ce site qui présente les œuvres inspirées par Orly Sud. Ces deux toiles sont cependant visibles dans la section "Hors Cadre".
L’impasse dans laquelle je me trouvais fis que j’abandonnais Orly Sud pendant quelques années, ne serait-ce que parce que Brasilia ne me laissa à l’époque aucun répit : j’enchaînai en effet plusieurs expositions inspirées par l’architecture de la capital du Brésil, qui accaparèrent tout mon temps. Mais Orly ne quitta jamais mes pensées. Et puis un jour de 2008, la clarification eut lieu. Je compris enfin ce que je devais faire. Orly Sud deviendrait le théâtre d’expression d’une époque et de ses acteurs, l’écrin idéal d’une symbolique plus ou moins occulte, celle des Trente Glorieuses : l’aéroport, projeté au cours des Années cinquante, était officiellement né en 1961, et avait connu son heure de gloire au zénith de cette période d’abondance devenue depuis légende. Puis était passé de mode -si l’on peut dire-, avec son déclin dans le courant des années 70, concurrencé par la mise en chantier de nouvelles infrastructures mieux adaptées à la croissance du trafic aérien : l’aéroport Charles de Gaulle dans la plaine de Roissy.
À l’instar de Brasilia (inaugurée un an seulement avant Orly Sud), l'aéroport m’avait suffisamment marqué pour que lui aussi devienne un porte-parole de ma peinture, en tant qu'indice de la gémellité des utopies et révélateur de leur terreau commun : l’optimisme, vertu cardinale de tous les grands chantiers de l’époque. Ma peinture, intuitivement, me conduisit à vouloir ressusciter l’âme du lieu en repeuplant la coquille vide de ses fantômes, ceux que l’aéroport avait connus au faîte de son mythe, puis égarés dans sa mutation vers le malaise et les questionnements de fin de cycle.