Joni Mitchell, évoquant la vie de "routine" en temps de guerre de Molly McGee, écrivait : "Tokyo Rose on the radio". La musicienne citait de fait "Tokyo Rose", l'émission radiophonique de propagande japonaise diffusée en langue anglaise et destinée à saper le moral des alliés (une émission célèbre à cette époque). Mais moi je compris -sans faire attention au "R" capital employé pour Rose-, qu'elle décrivait un élément du décor dans lequel évoluait Molly McGee. Un élément qui lui permettait d'évoquer, de façon symbolique, ces temps de guerre où sévissaient les puissances de l'Axe (Allemagne Nazi et Japon). D'où ce vase contenant une rose, présumée d'une variété intitulée "Tokyo", posé sur la radio qui égrenait les nouvelles du conflit.
C'est pourquoi, dans ma peinture, je figurais un vase orné du drapeau japonais. Ce qui faisait sens par rapport aux autres éléments constitutifs du texte, comme cette "Nazi dread" ("Menace Nazi") avec ses soldats bottés marchant au pas de l'oie et faisant le salut hitlérien. La rose et son vase japonais (dans cette peinture que Joni Mitchell ne vit jamais puisqu’elle fut réalisée après notre deuxième et ultime rencontre de 1987), n'ont pas plus de légitimité dans The Tea Leaf Prophecy que le prêtre portant une "montre pornographique" à son poignet n'en avait une, dans The Boho Dance. Ce sont là les aléas d'une connaissance encore novice de l'anglais dans ma jeunesse, et le résultat des imperfections dont est victime la communication entre les êtres depuis le petit incident survenu à Babel...
Avant de partir à l'aube, je remis à Joni Mitchell une peinture que j'avais faite pour elle, une huile sur carton de soixante centimètres sur quatre-vingt (si ma mémoire ne me trahit pas, car hélas je n'ai gardé aucune trace d'elle), où j'avais représenté un épisode cité par la musicienne dans une interview du magazine "Rolling Stone", qui m'avait beaucoup marqué parce que très symbolique d'une part de son talent de peintre, et d'autre part très représentatif de cette magie si particulière qui caractérise son génie narratif.