C’est également avec Pirates que Jones achèvera d’affirmer sa personnalité musicale, clouant le bec définitivement à toutes les comparaisons dont elle avait peu ou prou souffert.

Rickie Lee Jones y confronte son phrasé unique (basé sur des feulements et des mots à peine chuchotés s’enchaînant sur d’imprévisibles éclats de voix à sonorité de trompette, qui révèlent tout le potentiel de l’organe exceptionnel de l’artiste), à des compositions-spirales, passionnées et atmosphériques, multi directionnelles. Ces musiques contiennent chacune plusieurs intentions d’écriture, une approche déconcertante pour l’oreille à la première écoute, cette dernière se laissant graduellement envoûter par ces surprenantes lignes mélodiques entrecroisées, un véritable jeu de piste musical qui démontre toute l’originalité des talents d’auteur de la musicienne américaine, et son éclectisme inné.

Pirates offre surtout à Jones l'occasion de créer sa plus grande composition : Traces of the Western Slopes, co-écrite et co-interprétée avec Sal Bernardi. Une rêverie fantasmatique jazzy de plus de huit minutes, bénéficiant d’une instrumentation extraordinaire.
Traces of the Western Slopes nous entraîne dans une forme d’hypnose et fait vagabonder l’âme au dessus des rubans saturés de lumière des autoroutes urbaines de Los Angeles, nous faisant partager l’errance de ces ados post-beatnik emblématiques de l’univers développé par Jones, potes de défonce et jeunes clochards d’avant le Grunge, compagnons d’errance de toutes les "Lolitas" aux yeux vides qui exorcisent, dans les terrains vagues de la mégalopole californienne, les rêves brisés de l’Amérique.

Le troisième incontournable de Rickie Lee Jones nous parle de cow-boys ailés. Flying Cowboys, paru en 1989, est l’album de la maturité. L’ex-rebelle, auréolée par la maternité, donne libre cours à tous ses talents d’écriture dans une poésie débridée, "free-style", décomplexée et tendre, rendant un hommage appuyé et émouvant à sa petite fille Charlotte avec le morceau The Horses qui inaugure l'album.