Ainsi, il m'arriva de contracter quelques fous rires en voyant Yvette se lever et partir soudainement "faire la police" ;  scandalisée par la désinvolture et le manque d’éducation dont certains visiteurs faisaient parfois preuve, Yvette alors bondissait et allait d’un pas aussi décidé que martial leur indiquer que ce n’était pas une façon de se tenir, leur signifiant d'un ton qui ne souffrait pas la discussion qu’ils étaient priés de respecter le lieu, les œuvres exposées, et l’artiste.

Yvette Chapochnik était une dame de la vieille école, généreuse et simple, qui revendiquait ses origines populaires tout en entendant montrer qu’elle savait parfaitement se tenir ; chose dont personne qui la connaissait un peu ne douta jamais un seul instant. Pas plus que de son cœur, qu’elle avait sur la main, ou de sa fidélité en amitié.
Elle quitta Paris peu avant ma dernière exposition d’octobre 2015 à l’Espace Niemeyer, et ce fut l’unique manifestation qui ne nous vit pas réunis. Les obligations liées à sa vie de famille lui avait fait abandonner son petit appartement du XIIème arrondissement, où elle m’avait reçu moult fois à l’occasion de dîner pantagruéliques qu’elle mettait la semaine à préparer, avec sa générosité coutumière. Ayant quitté la capitale pour la province (et comme il arrive souvent dans ce contexte), nos contacts dès lors s’espacèrent ; Yvette, clairement, était passée à autre chose et je ne la revis plus ensuite. Elle quitta définitivement ce monde début 2021. Je ne l'ai jamais oubliée ; et je ne l’oublierai pas.

Je me souviens aussi de Maurice Rivière, lui aussi disparu. Membre de cette équipe sous la houlette de Gérard Fournier, il s’occupait de tout ce qui n’allait pas, de l’ampoule demi-morte qui faisait clignoter les éclairages sur les toiles, à tout ce qu’un espace d’exposition de cette taille -et l’immeuble qui l’abritait- pouvaient nécessiter d’attentions, de réparations et d'interventions quotidiennes. Ainsi, pour les artistes exposés, Maurice était le monsieur "solutions-miracle".