L'architecte ne quitta Canoas qu'après un glissement de terrain dans les années 1960, qui affecta assez sa famille pour qu'il décide alors de rejoindre Rio et son littoral somptueux, les plages d’Ipanema et de Copacabana -où il installa son atelier. Le tournage à Canoas me donna l’occasion de rencontrer Ana Lucia Niemeyer de Medeiros, petite fille de l’architecte qui présidait la fondation Niemeyer (dont cette ancienne maison de famille était devenue le siège à l’époque, avant d’être plus tard hébergée à Niterói, au sein du Caminho Niemeyer, complexe architectural dessiné et construit par l’architecte à proximité de Rio de Janeiro).
Je me souviens de l’anecdote de l’ingénieur du son Bruno Foznandos durant l’une de nos réunions préparatoires de tournage avec Ana Cristina ; Bruno nous rapporta que lors d’un tournage précédent chez l’architecte, Niemeyer s’était levé après deux ou trois questions et avait quitté la pièce, plantant là production et journalistes et laissant l’équipe déconfite, en disant qu’il n’avait pas de temps à perdre avec des questions idiotes ; inutile de préciser l’état dans lequel me mirent ces confidences… J’avais beau connaître mon sujet par cœur, j’avais beau avoir préparé le plus méticuleusement du monde mes questions et mon plan d’interview, tout pouvait arriver… même le plus fâcheux.Heureusement, une sorte de pressentiment ou l'aide du ciel, peut-être les deux, me firent traduire en anglais la totalité de mes questions la nuit précédant ma rencontre avec l’architecte, et l’hôtel où nous demeurions m’en fournit des copies le matin du tournage, afin que j’en remette un jeu à Ana Cristina, au cas où : Ana Cristina ne parlait pas français, je n’entendais pas le portugais et nous communiquions donc exclusivement en anglais, elle et moi. Le rôle assigné à l’interprète-traductrice Silvana Zilli était de consigner dans son cahier de notes par écrit chaque réponse de Niemeyer simultanément dans les deux langues française et portugaise, en suivant leur numérotation. Une procédure qui devait me permettre d'effectuer mon montage de retour à Paris.